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23 septembre 2013

MADEMOISELLE roman de Joël Gentric A Lorient, en

 

 

 

 

MADEMOISELLE

                             roman de Joël Gentric

 

 

A Lorient, en été 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre I

23 août 1912

Un jour de chaleur accablante, Déggial est missionné, pour y voir son intérêt, au château.

Ne pouvant se dérober à l’invitation, il s’y rend après une marche interminable d’un bout à l’autre de la ville (dont un passage devant la pâtisserie Alteri) .

Que va-t-il chercher au château ?

Il va y chercher son pouvoir de parler. Cette invitation, en effet, le fait accéder au langage.

Devant la librairie Erwana, il se retient de rire en lisant le nom d’un auteur : Schlafblitz.

Il croit connaître le chemin du château, et en effet, il ne se trompe pas de route : il y parvient.

 

Chapitre II

26 août 1912

Herr Schlafblitz, le romancier, se rend chez sa psychologue la signora Advissa.

Il passe devant la pâtisserie Alteri deux heures un quart après Déggial.

Le point de vue de la boulangère Hortense est qu’il veut parler d’un certain chien : Plutos…

Mais lorsque des clients lui posent des questions, elle n’en dit pas davantage. 

 

Chapitre III

29 août 1912

A la fin du mois, Déggial reçoit un courrier remis par le postier remplaçant (c’est les vacances) lui demandant sa présence à lui et non sa sœur dans la Tour du comte.

Demandant des explications à sa sœur Pareilla qui interrompt alors sa lecture de Schlafblitz dans le texte, elle ment en disant qu’elle ne connaît pas ce château, que ce courrier est un tissu de mensonges.

Enfin, Déggial comprend et sourit. Mais ni lui ni moi ne pouvons vous expliquer pourquoi.

 

 

 

Chapitre IV

2 septembre 1912

Voici comment se déroule la psychanalyse. Herr Schlafblitz est assis au bord du canapé. Ni la femme ni l’écrivain ne s’épanchent en de longues tirades : ce qui rend les phrases un peu sibyllines.

La psychologue l’interroge :

- Pourquoi ne jouez-vous pas tout ?

- Je suis un amateur avec ses défauts. Aimez-moi comme cela, ou dans d’autres disciplines…

- Et qu’avez-vous fait de cette matinée ensoleillée ?

- Je me suis promené aux abords du château. J’aime le paysage trempé d’eau que sont les douves…

- Pourquoi faites-vous vos comptes ?

- (Il sursaute) Parce qu’ils sont importants, pardi !

- Puis-je respirer cette rose ?

- Elle… existe.  Je… Elle n’est pas parvenue aux narines dès le premier…  instant…

La thérapeute se tait. Herr Schlafblitz reprend :

- Pourquoi pas… Essayez !

- Vous entendez-vous avec le conférencier à l’université ?

- Nous n’avons pas de prises de becs définitives !

- Recherchez-vous des livres pour nous ?

- Exactement ! Ou bien j’en écris un.

- Précisez votre pensée !

- En attendant que mon dernier livre soit écrit, je cherche des ouvrages pour vous. Après la publication, vous pourrez vous reposer sur ce qui est écrit dans mon livre.

- Bonne rentrée pour demain. 

Chapitre V

3 septembre 1912

A la rentrée, au moment de prendre la parole pendant le tour de table, Déggial doit improviser lentement une argumentation, car il lui manque ses papiers qui sont restés dans la boite aux lettres. Il pensait être malmené pour cette raison par Mister Blatt qui ne lui conseille que de prendre une psychologue. Déggial refuse. Au bout du compte, il est seulement convoqué le lendemain au château.  

 

Chapitre VI

Appel téléphonique de Herr Schlafblitz à la psychologue le 4 septembre 1912

 

La question qui la préoccupe est avant tout de savoir s’il passe de bonne nuit.

« Dormez-vous bien ? » lui demande-t-elle de but en blanc.

Comme il ne comprend pas la question, elle lui demande à nouveau :

« Vos nuits sont-elles mauvaises ? 

- Oui. Cependant, je souhaite un rendez-vous pour le 6 septembre. 

- C’est noté. L’avez-vous noté vous-même ?

-Oui !

- Au revoir, Herr Schlafblitz. »

  

 

Chapitre VII

Le 4 septembre 1912

L’après-midi, heure de la sieste.

Cette fois, Déggial a les développements quelque peu scolaires de sa pensée sous l’œil. Mais ils ne conviennent pas exactement pour la tâche demandée dans le temps fixé. Cependant, cela ne semble pas le vrai argument de rejet. Il est convoqué le 12 du même mois par Mme Perruchonde, avec pour devoir de s’adapter aux réalités du Monde, comme le tournevis le fait aux visses cruciformes!  

 

Chapitre VIII

Le 6 septembre 1912

Voici les termes de l’entretien :

« Change-t-il les noms dans la traduction?

- Qui le dit?

- Est-ce une sorte de tapisserie ?

- C’est une sorte de canevas !

- Etiez-vous ignorant ?

- J’étais distrait, mais pas assez aveugle cependant.

- Pourquoi prônez-vous la vitesse au fait ?

- Pourquoi pas ?

- Avez-vous trouvé la formule Sésame ?

- Non. Je dois recommencer.

- Faites-vous des recoupements ?

- C’est une forme de témoignage.

- Rompez-vous le pacte ?

- Nommer quelqu’un n’est pas le fréquenter !

- Pouvez-vous passer ce test ?

- Pas encore… »

 

 

 

Chapitre IX

Le 12 septembre 1912

Un jour de pluie, Déggial arrive dans le bureau de Mme Perruchonde avec un ami Ed qui a des vapeurs pendant la réunion. Cela crée un incident gênant. Déggial explique que cela ne se passe que très rarement pour sa défense. Pour sa gouverne, on lui demande de s’occuper de lui, avec Martine, sa collègue.

 

 

Chapitre X

Le 14 septembre 1912

« Pouvez-vous me mettre devant le portrait de Ludivine pour travailler ?

- Je peux… Je l’apporterai à la séance suivante. Jouez-vous à Sindbad ?

- Oui. Chez moi…

- Allez-vous voir son père en compagnie de quelqu’un ?

- Oui ! Par un aîné : Maurice.

- Croyez-vous aux questions sadiques ?

- Oui ! Aux réponses aussi !

- Votre enfant a-t-il vu des avions en papier?

- Non. Doit-il s’en occuper ?

- Pas forcément.

- Avez-vous écouté son amie Fleur ?

- Oui. Elle a bien voulu me parler.

- Vous étiez-vous déjà croisés ?

- Nous avions déjà joué un jeu ensemble.

- Pourquoi tissez-vous des liens ?

- Nos vies seront rapprochées… »

 

 

 

Chapitre XI

Le 22 septembre 1912

Déggial ne parvient pas aujourd’hui à accéder au château.

Et pour cause ! Il est totalement engourdi.

L’ankylose le fait marcher à petits pas.

Les autres passants aussi, mais pour du beurre. Il est impuissant à leur dire zut ! Mais reconnaissons qu’ils ne rient pas non plus de leur côté.

 

 

Chapitre XII

Le 25 septembre 1912

Cette fois, le portrait de Ludivine trône dans le cabinet.

Herr Schlafblitz menace sa psychologue avec une sarbacane à boulettes farces et attrapes.

« Vous ne tirez pas, demande la psychologue ?

- J’ai une poire à poudre vide.

- Pourquoi ne pas ranger ton violon dans son étui ?

- Je n’ai pas de jeu de construction.

- Vous souvenez-vous de Robert Desnos ?

- Oui… grâce aux cartomanciers.

- Pouvez-vous frotter ces lampes poussiéreuses ?

- Pourquoi pas. Mais ce sont les vôtres.

- Je vous y autorise. Croyez-vous à ces éclosions ?

- Oui. Quand les œufs saturent.

- Prendriez-vous une pomme maintenant ?

- Heu ! Pourquoi pas si elle est mûre ?

- Pourquoi ne pas parler de votre amie ?

- Cela s’est passé il y a si longtemps… »

 

Chapitre XIII

Le 29 septembre 1912

Toujours pas de château sur sa carte.

Déggial surligne au feutre fluorescent les routes déjà explorées. Il reste les 9/10ème de la ville à sillonner. La carte est dépliée sur le tapis rouge du salon. Déggial ne trouve pas le lieu. Bien qu’il ne cherche pas une forêt, son œil y revient sans arrêt.  Le camping de Schlafblitz que lit sa sœur est sous la carte, ce qui lui fait râter le surlignage à un moment donné. Il déboule par conséquent rue du commandant Pouce avec son feutre.

Chapitre XIV

Le 30 septembre 1912

« Votre royaume pour un cheval, dit la signora Advissa en bloquant la porte du pied ?

- Je crois être mousse bavard sur la baleinière. Mais je trouve le sommeil, réussit à affirmer Herr Schlafblitz pour entrer.

- Pouvons-nous parler de problèmes ?

- Non. Quelques soucis tout au plus, auxquels il est impossible que le temps ne remédie.

-Ne jouez-vous plus le samedi au football ?

- On me propose un autre jour. Mais j’ai du travail.

- Faites-vous des incantations ?

- Un peu. J’ai mes rites devant la cheminée.

- Enseignez-vous la grammaire aux personnes âgées ?

- J’ai la chance de l’enseigner pour gagner ma vie.

- Pensiez-vous parvenir seul à faire la courte échelle ? 

- Non ! Il me fallait votre compagnie !

- Croyez-vous l’aveuglement sans lumière ?

- Non. Mais la réponse heurte parfois ! »

 

Chapitre XV

Le 6 octobre 1912

Déggial a reçu une convocation.  Il en parle à toutes les personnes qu’il croise. On ne le comprend pas. Mais personne n’en rit. Quelqu’un, exaspéré, s’arrête dans la foule, pour prendre le temps d’écouter. Il comprend mais il n’a pas de temps à lui consacrer. Il lui conseille un écrivain public en en indiquant la direction avec des ciseaux qu’il a à la main. Il demande au postier revenu de vacances son chemin. Sidi Ahmed lui répond qu’il y a eu autrefois un « châtiau » au bord de la Laria, mais qu’il est tombé en ruine. Il lève le bras en l’air pour expliquer l’inexplicable : en fait, il se noie dans ses explications.  

 

Chapitre XVI

Le 7 octobre 1912

L’entretien ne vient d’abord pas.

« Le silence fait-il des progrès dans votre cave ?

- Oui. Les terres sont riantes. La cave y voit son intérêt.

- Chantez-vous toujours Robert Schumann ?

- Non.

- Les titres sont en ma possession (Elle met sa main sur la poitrine).

- (Les voulant) Je ne les veux pas !

- Pourquoi lisez-vous en marchant de long en large ?

- C’est possible ! Cela ne me rend pas fada. (Il fait le signe de main tremblante sur sa tempe).

- Sommes-nous si pauvres aux abords du châtiau ?

- Il suffit de se saluer !

- Pouvez-vous jouer cela pour la farce ?

- Mon parrain disait : « Je veux, mon neveu ! »

- Vous n’avez utilisé que trois feuilles !

- Non ! J’ai du ouvrir mon cahier.

- Pensiez-vous m’échapper ?

- Je ne me croyais pas si constant ! »

 

Chapitre XVII

13 octobre 1912

Déggial dessine des châteaux dans sa maison.

Les tours sont bien rondes et lisses.

Les créneaux sont droits et se découpent dans le ciel.

Le pont-levis est baissé.

Il y accueille son amie Piérdita.

 

Chapitre XVIII

Le 14 octobre 1912

« Proposez-vous mes souvenirs, s’offusque la signora Advissa ?

- Peut-être. En attendant de vous les voir écrire ou peindre.

- Comment donnez-vous de la valeur à ce que vous griffonner dans l’urgence ?

- En lisant, dansant, dessinant !

- Pourquoi ne vous reposez-vous pas sur l’esprit ?

- Je crains Echo!

- Sommes-nous rendus au dernier voyage ? »

Il répondit en écartant les mains qu’il avait jointes.

« Relisez-vous Balzac ?

- Un peu.

- L’homme préhistorique est-il de bon conseil ?

- Davantage que moi parfois.

- Faut-il que les choses s’écrivent après les avoir vécues ?

- Vous n’avez pas été plus prompte, je crois, dans vos conclusions. »

 

Chapitre XIX

20 octobre 1912

Déggial visite une petite maison de location. Mais il pense au château pendant toute la visite. On lui demande pourquoi ce visage triste. Il s’efforce de sourire.

Il entend sa sœur pleurer quelques maisons plus loin.

 

Chapitre XX

Le 21 octobre 1912

Le tableau de Ludivine dans le cabinet est légèrement penché.

La signora Advissa fait allusion à une pièce de théâtre jouée dans la ville, à laquelle Herr Schlafblitz a assisté.

« Pourquoi nous ont-ils fait attendre ?  

- Peut-être doit-on changer de joujoux ?

- Qu’avez-vous fait de vous-même ?

- Un homme, encore une fois.

- Pouvez-vous retomber dans le vivier?

- Nous, si vous me posez des questions.

- Le texte traduit vous frustre-t-il du vrai Sindbad ?

- Un peu.

- Qu’enseignez-vous ?

- L’ordre des mots !

- Avez-vous mal à la rate ?

- Non. Mais mon âne ne peut pas répondre pour lui.

- Pouvez-vous vous adapter aux débats contradictoires ?

- Je peux essayer en continuant à chanter.

- Savez-vous que vous consommez beaucoup de sel ?

- Je vais proposer des livres sans sel. »

 

Chapitre XXI

Le 28 octobre 1912.

Déggial passe sa journée à dire : « châtiau! » dans la rue. Mais il n’est pas arrêté. Il craint de dire une bêtise pour le temps passé et d’avoir la bouche pleine de salive. Mais il ne m’arrête pas pour autant dans la rue, ce qui fait que rapidement, il a parcouru les 3/10ème de la ville.


Chapitre XXII

Le 29 octobre 1912

La signora Advissa écrit un mot sur une page du carnet.

« Qu’est-il écrit sur ce papier, s’il vous plait ?

- K…A…W…A… KAWA.

- En buvez-vous ?

- Aïoua-aïoua ! Oui, dit irrésistiblement Herr Schlafblitz.

- Ecrivez-vous sur le divan ?

- J’y écris pour corriger demain.

- Croyez-vous à ces scènes gréco-romaines ?

- Leur mythe engendre la mer. Je me souviens de la mare nostrum.

- Qui était qui dans l’affaire ?

- Nous nous sommes aimés ; c’est tout. Quant à savoir qui était qui… (geste impuissant de la main).

- L’ordinateur vous a-t-il aidé à écrire ce livre ?

- Pas vraiment.

- Que répondez-vous en cas d’échec ?

- En ne quittant pas complètement les déçus.

- Pourquoi êtes-vous pratiquant ?

- Pour permettre l’histoire avec un père.

- Quel genre de frimeur êtes-vous ?

- Celui de la dernière heure.

- M’avez-vous tutoy ée ?

 - Non ! Je ne me vois pas vous tutoyer. »

Chapitre XXIII

Par cette nuit bleue et froide du 7 novembre 1912, nuit de neige, à la suite d’un coup de téléphone de l’oncle du Comte, je justifie, devant la crypte du château, les lectures que j’ai menées pour calmer les vapeurs de mon ami Ed : le tome II des Mille et une nuits, tout ce que j’ai dans la collection des J’ai lu, l’in-quatro sur les voyages extraordinaires que m’a donné mon cousin. Ce n’est pas ce qui avait été demandé cette année.  « Mais bon! » dit l’oncle…

 

Chapitre XXIV

Le 9 novembre 1912.

« Travaillez-vous à interrompre les projections ?

- Je n’en viens pas à cette extrémité : la littérature me sert de médiateur.

- Être heureux, est-ce être imbécile ?

- Non ! C’est être heureux !

- J’aime l’imbécile, dit-elle avec un pendentif qui oscille devant mon œil.

- Moi aussi.

- Comment vous sentez-vous ?

- Ca va ! (Puis d’une voix éteinte) Je peux continuer.

- Fallait-il dire quelque chose ?

- Il fallait dire beaucoup pour trouver un peu.

- Comment me conseillez-vous de lire ?

- Acceptez que l’on puisse sourire lorsque vous lisez.

- Qu’est-ce que fait l’avion ?

- Il fait son virage avant de se poser.

- Rien n’a-t-il changé ?

- On navigue toujours un peu dans ce périmètre. »

 

Chapitre XXV

Le 15 novembre 1912.

Déggial  construit un château de cartes avec de la glue pour oiseaux. Pareilla tente de le faire tomber avec un sèche-cheveux. Mais le château ne tombe pas car la chaleur dégagée par l’appareil coagule la poix.

Il entend dans le ciel :

« A qui veux-tu faire croire cela ? »

Il répond :

«  A mon père. »

 

 

Chapitre XXVI

Le 16 novembre 1912.

« Vous croyez à ces bêtes du zoo ?

- Elles ne m’abandonnent pas.

- S’agit-il de ce puzzle qui représente une camarade de classe ?

- Non. Celui-là me convient davantage.

- Vous entraînez-vous assez au cross ?

- A quoi ?

- … (Elle semble ne plus savoir de quoi elle parlait).

- N’ai-je pas bien fait de le ramener au comte?

- Nous voilà cependant trois au lieu de deux.

- Peut-on écrire comme cela ?

- Contentons-nous ; ce n’est pas rien.

- Cet intérieur vous est familier.

- Je l’ai déjà rencontré dans un livre.

- Comment consommez-vous l’Histoire?

- Avec beaucoup de préhistoire autour. »

 

Chapitre XXVII

Le 22 novembre 1912.

J’ai une conversation avec mon père concernant mes créneaux en vaisseau. Il me demande d’oublier une de mes fréquentations qu’il juge importune. Je lui fais le serment de ne plus prendre le guidon avec lui. Il accepte machinalement. Face à ce silence, je réitère mon serment. Mais il caresse son chat sans écouter.  

 

Chapitre XXVIII

Le 23 novembre 1912.

« Avez-vous une objection contre l’écriture sous hypnose ?...

- Pas dans mon cas. Elle ne peut cependant pas oublier les enfants ! Je crois à l’autorité des autres !

- Connaissez-vous M. Encort ?

- On m’en a parlé.

- Nous trouvez-vous moins risibles ?

- Vous n’aspirez pas à ne plus l’être, je crois!

- Nous pensons échapper à la foudre ainsi.

- Qu’allons-nous faire de ces mots ?

- Un roman, pardi!

- Que faites-vous de tous ces mots qui sont comme morts ?

- J’en trouve un vivant!

- Combien de temps laissez-vous entre deux passages ?

- Une saison !

- Comment va Jean- Marc à Paris ?

- On ne l’a pas mis au parfum.

- Passez-vous le balai ?

- De temps en temps! »

 

Chapitre XXIX

Le 1er décembre 1912.

Je ne peux me taire lorsque je vois le château. Une force m’oblige à parler. Cependant, le discours tenu n’est pas romanesque. Mon entourage est alors prévenu du fait que l’on approche du château par mon bavardage. Pareilla m’explique que je devrais écrire comme Herr Schlafblitz. 

 

 

Chapitre XXX

Le 2 décembre 1912.

« Vous relirez-vous demain matin ?

- La correction de la nuit n’est pas forcément déprimante !

- Que serez-vous gêné d’avoir en abondance ?

- Le droit et l’autorisation !

- Pourquoi ne pas écrire n’importe quoi. Après tout, n’écrivez-vous pas le lendemain matin quelque chose de différent !

- C’est que je conserve aussi vos phrases de minuit pour la fin de la nuit.

- Pourquoi ne pas l’ennuyer dans le langage ?

- …

- Pouvez-vous dire le livre éteint ?

- Non ! Vous pouvez le lire encore volontiers !

- Qui portera l’autre au château, du stylo bic ou de l’écrivain ?

- Le pilote, quoiqu’il en soit. (La signora Advissa pouffe).

- Faut-il qu’il soit raisonnable?

- Un peu plus présentable, tout de même ! »

 

Chapitre XXXI

Le 8 décembre 1912.

Le  travail de Déggial consiste peut-être à s’effacer. Aussi s’y efforce-t-il. A commencer par la trop fréquente occurrence de son nom. Le règlement par carte lui permet de préserver l’anonymat. Les factures au nom de la compagnie épargnent à cette dernière la nécessité de l’évoquer. La rapidité des opérations lui permet de ne pas rester sur place.

 

Chapitre XXXII

 

Le 9 septembre 1912

« Pourquoi ne pas parler de nos fugues vers l’est ?

- Formons un club alors !

- Où êtes-vous sûr de me voir quoi qu’il arrive ?

- Je ne sais jamais !

- N’y a-t-il pas, dans ce jeu, les autres pour nous aider ?

- Et nous pour les aider ? (Il sourit).

- Pensez-vous aller à Venise ?

- J’y vais ; nous y allons !

- Avez-vous manqué Pan-Pan, votre doudou ?

- Oui.

- Ce n’est que partie remise ! Hantez-vous de même les lieux ?

- Je crois que l’on peut aussi s’organiser avec moi comme fantôme.

- L’herbe des champs du château est-elle haute ?

- Pas encore. Mais elle est savoureuse !

- Tout prête-t-il à répondre ? Il faut se cultiver pour cela !

- Je ne passe pas mes journées à répondre non plus. »   

 

Chapitre XXXIII

Le 15 décembre 1912.

Déggial explique à Fred, son ami,  que les grandes surfaces ont aussi des bouchers. Ce dernier reste cependant fidèle à son boucher de quartier. Il lui explique que l’on ne trouve pas tout dans les supermarchés. Il part de chez lui en pensant zut.

« Il ne l’a pas dit » observe le copain.  

 

Chapitre XXXIV

Le 16 décembre 1912.

« Et si vous n’aviez plus ma visite le soir ?

- Ce serait que vous êtes dans un autre groupe !

- E buona ?

- Est-ce que par hasard vous parleriez italien ?

- Reprenons. Contemplez-vous toujours ?

- Moins.

- Pourquoi leur parlez-vous ?

- Parce que la Dame m’y a engagé !

- Pouvons-nous parler de vous au féminin ?

- Oui. Le travail a été fait.

(Silence)

- A qui pensiez-vous pendant la lecture ?

- A un ami écrivain lui aussi : M.Monnier.

- Savez-vous qu’il déraisonne ?

- J’ai encore l’espoir de sa raison !

- Êtes-vous l’étranger d’Albert Camus ?

- Quoi que je veuille son soleil m’attrape ! Mais je ne suis ni le Candide, ni l’étranger. Je n’ai pas d’épithète! »

 

Chapitre XXXV

Le 23 décembre 1912.

Déggial se rase consciencieusement en pensant à elle. Les mauves impressions de la nuit se dissipent en passant le râteau sur les joues, comme dans une histoire. Ils pensent à tous ceux qui l’entourent, ou à une puissance qui la protège. Elle n’est pas toujours visible…

Chapitre XXXVI

Le 24 décembre 1912.

« Avez-vous l’œil fermé ?

- Non, je veille!

- Pourquoi vous précipiter à me parler ?

- C’est mon côté chèvre devant le chevrier !

- N’avez-vous pas vu la vie tranquille à cette occasion ?

- C’est vrai. Je vous remercie toutes. Vous y êtes pour beaucoup.

- Comment passe-t-on dans les réceptions du château ?

- En proposant quelque chose d’autre à chaque fois.

- Pensez-vous que cela doit attendre demain ?

- Oui. Vous obtiendrez des résultats en composant avec le temps, avec les séances à venir.

- Pensez-vous que vous allez y échapper ?

- Je peux en différer l’échéance !

- Admettez-vous le rêve ?

- Nous ne pouvons l’isoler ! Je m’en débarrasserai autrement.

- Que faisait le petit à cette heure-ci ?

- Il voulait voir tout le monde ! »

 

Chapitre XXXVII

Le 25 décembre 1912 : jour de Noël .

On suggère à Déggial dans une grande surface de prendre un gel mentholé de rasage plutôt qu’une mousse classique pour son fils, sans préciser davantage. Il refuse d’obéir à ce mystère, mais il repense à la scène toute la journée. Il s’efforce de se souvenir des traits de la personne qui lui a adressé la parole, sans y parvenir.

 

Chapitre XXXVIII

Le 26 décembre 1912.

Herr Schlafblitz annule son rendez-vous avec la psychologue. Il a un empêchement de dernière minute. Prochain rendez-vous fixé au 22 janvier de l’année suivante. Il s’étonne que la psychologue soit tiède pendant l’entretien téléphonique. 

 

Chapitre XXXIX

20 janvier 1913.

A la suite d’achats qui se sont mal passés (tickets à l’appui), Déggial doit défendre son ami Ed en précisant que ce n’est pas un monstre : il étudie les savants. (Cf. : le petit savant de Walt Disney). Les gens ne veulent pas le savoir. Certains ne veulent pas de soucis. Il sourit.

 

Chapitre XL

22 janvier 1913.

« De quel côté de la porte fermée ? » entends-je dire par une patiente en passant près de la porte de la psychologue.

L’entretien commence :

« Penserez-vous à lire autant le matin comme le château vous le recommande ?

- Pourquoi pas ? Mais l’Allemagne est stable !

- Suis-je obligé aux ténèbres ?

- Non pas. Pas plus qu’elle !

- Qui vous a parlé de ce héron ?

- Un groupe noble de fabulistes modernes !

- Que voulez-vous dire au groupe ?

- Marchez !

- Comment gagnez-vous ?

- En me classicisant d’abord !

- Donnez-vous la trajectoire à vos traits ?

- Pas immédiatement ! Longtemps après m’être installé au bureau.

- Avez-vous quelque chose contre les fantasmes ?

- J’aime les fantasmes personnels sans obligations de rencontres. »

 

Chapitre XLI

13 mars 1913.

Après plusieurs jours interminables d’hiver et puisque cette histoire n’est pas encore terminée, on intime à Déggial l’ordre de continuer. Il retrouve l’usage de la parole. Cependant un voyage à Lourdes est programmé pour essayer la résurrection.

Convocation au retour le 22 mars 1913. 

Chapitre XLII

22 mars 1913.

Le voyage à Lourdes de Déggial est irracontable au château. L’ironie exaspère son auditrice. De plus, il s’emmêle les pinceaux en le racontant. Son ami lui s’est remis à écrire de lui-même devant des paysages. Son texte sera lu, promet le concierge.

Chapitre XLIII

24 mars 1913.

Herr Schlafblitz reprends sa psychanalyse.

« Pourquoi avez-vous fait cette femme inaccessible ?

- Pour que les hommes qui la connaissent vivent ensemble !

- Que pensez-vous faire de ce tic : marcher de long en large ?

- C’est bête comme poser des collets !

- Comment évitez-vous les pépiements du merle ?

- En priant.

- Que faisiez-vous avec lui ?

- Je voulais tout connaître d’elle !

- Fabrice a-t-il l’oiseau ?

- Non ! Il est peint sur la toile !

- Pourquoi voulez-vous qu’elle parle de la quévenoise ?

- C’est vrai ! Ce n’est pas nécessaire !

- Pourquoi vous êtes-vous engouffré dans ce wagon ?

- Je poursuivais un fantôme ! »

 

Chapitre XLIV

29 mars 1913.

Le jour anniversaire de Dépendance’s Company, contre toute attente, l’ami de Déggial reçoit un accessit pour son récit de voyage.

Lors de la distinction, Déggial tombe brutalement amoureux du lieu. Il ne l’avait encore jamais vu réellement. Il se voit confier les clés du château avec devoir de passer de temps en temps le plumet sur les toiles d’araignées qui couvrent les statues.

 

Chapitre XLV

2 avril 1913.

« Voulez-vous oublier cet épisode, demande la signora Advissa en faisant osciller devant lui le médaillon ?

- Non plus ! (il s’empare du pendentif) Vous faites bien de me rappeler à l’ordre.

- Pourquoi suivez-vous votre ami au débat de l’assemblée ?

- J’attends avec lui d’être plus juste !

- Pourquoi aurions-nous forcément l’édition que vous lisez ?

- Pour travailler de meilleur cœur !

- Voyez-vous la scène nerveuse ?

- Elle doit l’être d’une manière ou d’une autre ; sans quoi nous serions aveugles.

- Pourquoi un arbre serait-il seulement un arbre ?

- Pour qu’on la voit dans la forêt !

- Pourquoi les ordres au château vous stimulent-ils ?

- Ils m’assurent de ma subordination ! »

 

Chapitre XLVI

25 avril 1913.

Les gens du château et Déggial sont en réunion comme désormais tous les jeudis, mais le tour de table reste glacial, car le mot incitateur n’a pas été dit ; or, le travail ayant tout de même été fait, nous restons sur notre faim !

Pourquoi ? Parce que nous désirions réemployer ce mot et que nous ne pouvons pas le faire.

« Alors ? …»

 

Chapitre XLVII

26 avril 1913.

« Pourquoi vivre une tourmente ?

- Je ne l’ai pas choisi.

- Avez-vous pensé à fermer les volets ?

- Oui. Avant d’aller me coucher.

- Peut-on parler d’une interview de personnage ?

- Finalement oui ! Tout le monde a posé sa question.

- Qui donne l’exemple de la fidélité ? (Elle prononce fidaëlité)

- Pas nous. Avec nous, on ne voit pas toujours. Il faut le clebs !

- Voyiez-vous la résurrection de la sorte ?

- Non ! Mais puisqu’ils ne faisaient pas la grimace pendant mon absence, je n’ai pas eu peur pour eux.

- Quels puisques recherchez-vous au cirque ?

- Ceux liés à Marc. L’école n’est pas comme un moulin ! »    

 

Chapitre XLVIII

Le 15 mai 1913.

A l’occasion des fêtes printanières du jardinier Denis, le château est de nouveau ouvert.

Déggial a attendu tous les jeudis depuis les dernières réunions et est tombé sur un os. On ne lui donne aucune explication rationnelle. On veut bien le voir cependant le 28 juin. Il serait dans ce cas, explique-t-il, dans l’irrationnel. On semble s’en ficher.

 

Chapitre XLIX

Le 16 mai 1913.

« Pourquoi avoir tenu compte de ce que j’ai dit ? Vous êtes plus diplômé !

- C’était donc une blague ?

- Que faites-vous dans le quartier ?

- Nous éprouvons nos lectures !

- Croyez-vous la grimace gracieuse ?

- Nous sommes jeunes encore !

- N’ai-je pas besoin d’un flot d’images ?

- Chacun son tour ; c’est vrai !

- Le chant a-t-il remplacé l’audio-guide ?

- Je me souviens des fois de l’audio-guide. J’y entendais la voix de mon maître.

- Ne croyez-vous plus à la prière ?

- Si ! Mais l’été me fait porter des habits moins décents. Je n’entre pas dans l’église : je reste sous le porche.

- Êtes-vous cruellement volé ?

- Non ! J’ai plutôt le souci des riches d’esprit… »

 

Chapitre L

Le 28 juin 1913

Une matinée d’été fraîche, au moment de se rendre au rendez-vous fixé, Déggial croise par hasard la demoiselle, seule cette fois.

Il ose l’embrasser et ils partent vivre dans un autre château.

 

FIN

 

 

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Commentaires
M
Bravo d'avoir mené ton projet jusqu'au bout, toujours avec le même esprit qu'on trouve dans tes autres textes. Ce n'est pas si facile, j'en sais quelque chose.
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