à Lorient, le 19/05/12

Robert Desnos est plus présent dans ma vie que Robert Musil. Connaissez-vous un autre Robert?

                                                             ***

Selon elle, la base était inoccupée. aucune lumière aux fenêtres. Portes fermées. Pas de véhicules aux abords. Henri précisa que la ronde avait été faite de nuit. Rien ne prouvait que, le jour, les hommes n'y pénétraient pas. Personne ne se portait volontaire pour une ronde de jour. Le jour, les lasers sillonnaient l'air en ricochant d'arbres en bâtiments, de voitures en maisons, de buissons en poubelles. Personne ne sortait. L'instauration d'un bureau de vote, si dérisoire soit-il dans cet endroit, pouvait déclencher un rassemblement autour de l'urne et les observateurs pouvaient empêcher les débordements et tirs de lasers par leur seule présence sur le terrain. Deux volontaires se présentèrent pour poser, de nuit, l'urne au centre de la salle gouvernementale pendant que la milice sommeillait. Et le lendemain matin, des crieurs annonçèrent par des tracts à la population que l'urne était placée dans l'enceinte militaire. Les premiers observateurs étaient sur place. De sorte que les premiers badaux s'approchèrent courageusement mais n'eurent pas la témérité de voter. Des femmes furent plus hardies et forcèrent leurs hommes à prendre des papiers, une enveloppe. Mais les disputes conjuguales provoquèrent l'abstention de ces derniers. Les choses allaient ainsi lorsqu'une femme poussa un cri. Sa mère tenait l'urne à l'envers pour récupérer son bulletin. Elle s'était trompée. Il y eut un échange de regards. Comment avait-elle fait pour passer à travers les lasers. Quelqu'un qui avait suivi l'exploit déclara qu'elle avait agi les yeux fermés. Une sirène annonça la fin du dispositif de "défense". Les choses ne tardèrent pas à rentrer dans l'ordre, car le dépouillement du bulletin entraîna la démission du groupuscule terroriste en place. Les armes lasers ne quittèrent plus les boucheries.